Pour le sénateur socialiste des Français établis hors de France Jean-Yves Leconte, les responsables politiques français ne jouent pas leur rôle dans l’accueil des exilés. Il prône une vraie politique européenne.
Paris terre d’asile : On vous a vu prendre la parole à de nombreuses reprises dans le cadre des débats sur la loi asile et immigration, pour dénoncer le durcissement des mesures d’accueil. D’où vient cet engagement ?
Jean-Yves Leconte : Les Français que je représente, ceux de l’étranger, ont tous entrepris, à un moment, la démarche de s’intégrer dans leur pays d’accueil. L’intégration est quand même plus facile si on vous reconnaît les mêmes droits que ceux qui vivent dans le pays. A l’inverse, elle ne se fait pas si tous les matins, on vous rappelle que vous êtes étranger, si vous renvoyez en permanence les personnes à leurs différences. Dès que j’ai été élu au Sénat, j’ai donc suivi de près le sujet, car je pense que beaucoup de Français font fausse route.
Au moment où les Etats Européens décident, ou non, d’accueillir dans leurs ports les bateaux de sauvetage en mer des migrants, vous appelez la France à être « première de cordée, pas seulement en paroles mais toujours en actes » sur l’asile. Pouvez-vous expliquer ?
On ne négocie pas sur le droit d’asile. C’est une valeur essentielle, constitutive de l’identité française depuis le début de la révolution, validée ensuite au niveau mondial par la Convention de Genève et reprise dans les textes européens. Aujourd’hui, que des personnes s’interrogent sur la capacité de l’Europe à pouvoir accueillir et intégrer, c’est légitime. Mais si les responsables politiques établissent d’avance que l’accueil n’est pas possible parce que les gens ont peur, alors ils perdent tout leur rôle. La question des migrations domine tout le reste dans l’imaginaire collectif et l’Europe est perçue par ses voisins comme une forteresse obnubilée par le sujet. Si de nombreuses personnes veulent venir en Europe, il faut assumer les conséquences de l’attractivité. Il n’est pas question que tout soit ouvert et sans contrôle mais l’Europe est capable, quelque fois au prix d’accords un peu indignes comme on l’a fait avec la Turquie, de faire face aux défis.
Vous parlez d’accords indignes. L’Europe a t-elle fermé les yeux sur des pratiques pour limiter l’afflux de réfugiés ?
Comment voulez-vous qu’un Turc prenne au sérieux un responsable politique européen qui va lui parler de la presse, des droits de l’Homme ? Il sait parfaitement que l’UE est prête à tout accepter tant que le pays tient son engagement sur les réfugiés. Cette observation est vraie pour plein d’autres pays, auprès de qui on va avoir un pseudo discours sur la démocratisation, mais si pour empêcher de voir des gens arriver en Europe, on nourrit les milices et les mafias en Libye, c’est pas demain qu’on finira la déstabilisation du nord de l’Afrique et les crises migratoires ! Les réponses de très court terme ne servent qu’à attirer les peurs et aggraver la situation.
Pour vous, les questions de l’accueil doivent avant tout se poser au niveau européen…
A partir du moment où les frontières sont, depuis 2015, plus solidement surveillées grâce à Frontex, il est incohérent et vain de considérer que c’est à chaque pays de traiter de manière indépendante les questions de migrations. On doit avoir une politique commune d’immigration. Or, quels sont les responsables politiques qui sont prêts à dire cela aujourd’hui ? Aucun.
Quel regard portez-vous sur les velléités d’harmonisation, tels que les règlements Dublin ?
Si Dublin marchait, il n’y aurait personne en France, au Luxembourg et tout le monde serait en Espagne, en Grèce, en Italie: ce n’est pas sérieux ! D’une manière plus concrète, au lieu de reconstruire des oppositions Est-Ouest inutiles, 25 ans après la réunification, il faut poser des garanties pour que le demandeur d’asile, selon le pays d’Europe où il s’enregistre, bénéficie de la même protection partout et les mêmes droits qu’un citoyen européen. C’est absurde qu’un réfugié protégé par la France ne puisse pas aller travailler en Allemagne pendant au moins 5 ans. Aujourd’hui, il n’y a aucune évaluation commune, la procédure est nationale, du début à la fin. Mettre en place une politique européenne du droit d’asile permettrait de dédramatiser la responsabilité du pays qui étudie la demande et d’avoir une vraie égalité des droits.
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